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dimanche 30 avril 2017

L'étincelle


La fin de session universitaire, que l'on associe à "examens finaux", est maintenant à nos portes. Du moins si je me fie au nombre d'étudiants qui envahissent les Cafés du centre-ville soir après soir depuis déjà deux bonnes semaines. Moi qui prétendais que les mardis soirs étaient des soirées habituellement plus tranquilles, je dois me rendre à l'évidence, en y mettant les pieds, que je suis complètement dans le champ. D'ailleurs, plutôt inhabituel d'y retrouver trois baristas en service un mardi soir, que je me dis.

Je commande tout de même un très allongé, puis cherche un endroit où m'assoir. Table à deux, à quatre, tabouret au comptoir, peu importe. Dans un Café bondé comme ce soir, me trouver une place relève de l'exploit, du tour de force, du moins jusqu'à ce que Dame Chance me refile un as en douce, en repérant un étudiant se levant de sa chaise afin de ranger ses bouquins et son portable dans son sac à dos pour ensuite enfiler son manteau. Il y a des signes qui ne mentent pas, que je me dis.

Petite table ronde, deux chaises en bois, entre une table à ma gauche occupée par deux filles les yeux rivés sur leurs portables, n'ayant même pas levé un sourcil pour voir qui prenait place à la table d'à côté. Tandis qu'à la table à ma droite, un étudiant en chiropratique, si je me fie au titre du bouquin à côté de son café, y va d'un regard rapide en ma direction avant de retourner à sa lecture sur son portable, déçu j'imagine d'avoir comme nouveau voisin un homme aux tempes grisonnantes et lunettes un peu vintage munies de foyers progressifs. En ce qui me concerne, l'endroit, quoique exiguë, fera l'affaire, n'en déplaise à mes voisins-voisines de table.

Le bruit ambiant est étonnamment faible, compte tenu que l'endroit est occupé à pleine capacité, y distinguant aisément la musique de fond. Je remarque quelques sièges inoccupés ici et là mais sans plus, autre signe que la période d'examens approche. Je me dis à la blague que ça sent la "surchauffe de neurones". Une fois assis, je sors de mon sac mon iPad, ma "bébelle" comme dit ma blonde, pour y brancher mes écouteurs. Je sélectionne ensuite la playlist de Tinariwen, collectif de musiciens issus d’un peuple nomade nord-africain, les Touareg. Plusieurs les comparent aux gitans qui jadis sillonnaient l'Europe. Très bonne musique, si ça se trouve, mélangeant blues, rock et musique traditionnelle Touareg. Ne comprenant pas la langue dans laquelle ils chantent, ça devient du coup beaucoup plus facile pour moi d'écrire, de me perdre dans mes pensées, de me retrouver au beau milieu d'une histoire qui prend vie dans mon imaginaire, car les mots d'une autre langue ne se superposent pas à ceux qui affluent dans mon esprit.

Recherchant l'étincelle depuis maintenant une bonne trentaine de minutes, je ne réussis toujours pas à trouver l'idée, l'élément déclencheur, comme si aucune histoire ne daignait se pointer le nez ce soir, demeurant bien à l'abri, bien camouflée quelque part dans les méandres de mon esprit. J'ai beau placer plusieurs lignes à l'eau mais rien ne mord. Même ma playlist de Tinariwen ne provoque chez moi aucune émotion. Je décide alors de faire un tour d’horizon du Café à la recherche d'une autre table, question de provoquer quelque chose, question de changer la dynamique, pour me rendre compte que ce n'est visiblement pas une option à envisager.

Je continue donc à noter dans un fichier de mon iPad, que j'intitule "N'importe quoi", tout ce qui me passe par la tête et ce, sans réfléchir, sans me relire. Au diable les fautes d'orthographe, au diable l'auto-correcteur, au diable les lignes à l'eau, au diable Tinariwen. Peut-être qu'une étincelle surgira de tout ça lorsque je me relirai plus tard. Pour l'instant, je "brainstorme" avec moi-même pour finalement constater que j'ai toujours bien écrit une bonne page et demi d'idées, de pensées, de pistes qui pourraient éventuellement donner naissance à une histoire, lorsqu'on me tape vigoureusement sur l'épaule.

Je me retourne, surpris, et remarque l'expression du visage de l'étudiant derrière moi changer radicalement, visiblement désemparé et confus. Celui-ci ne cesse de s'excuser, m'ayant confondu avec son père.

Bon joueur, je ne lui en tiens pas rigueur, concluant qu'au fond, c'est peut-être l'étincelle que je cherchais.

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