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samedi 8 avril 2017

Superstition

                                  

Ce soir, je constate que ça fait maintenant trois semaines qu’à chaque fois que je me pointe dans le Café du centre-ville situé à l’intersection d’une avenue achalandée et de la rue principale, je m’assois au même endroit, toujours avec la même vue imprenable sur le coin de rue.

Trois semaines au cours desquelles, à chaque occasion, je commande un très allongé, en y ajoutant un peu de crème, ainsi qu’un soupçon de poudre de cannelle. Habitude que j’ai développée suite à un moment d’inattention après avoir croisé une vieille connaissance datant de l’époque du collège. Nous en avions profité pour se mettre à jour côté vie personnelle et professionnelle. Un chic type qu’il faisait bon de revoir. 

Trois semaines où j’y passe le plus clair de mon temps à peaufiner les chapitres de mon roman, ou encore y observer la clientèle majoritairement universitaire, elle qui m’offre un panorama, une palette diversifiée me permettant d’élaborer et d’approfondir ma galerie de personnages. 

J’observe aussi les barista à l’œuvre. Certains sont plutôt réservés, introvertis, se contentant de servir et d’entretenir une conversation brève mais polie avec leurs clients. Alors que d’autres sont de nature plutôt extravertis, offrant tout un spectacle derrière le comptoir de par les créations artistiques qu’ils réalisent avec seulement de la crème fouettée et quelques grains de chocolat à la surface du café. Il y en a un en particulier, Arthur de son prénom, qui s’amuse à prendre des clichés de chaque création qu’il prépare avant de la servir au client, question de meubler son porte-folio. Certains de ses clichés les plus réussis deviennent des tableaux ornant les murs du café.

Trois semaines au bout desquelles j’en suis à me demander si je ne suis pas en train de développer une superstition, de devenir superstitieux. Un peu comme les joueurs de hockey qui enfilent leur équipement en débutant toujours par le même côté. Ou un peu comme les gardiens de but qui parlent aux poteaux de leur filet, les imaginant ensuite se gonfler derrière eux. Un peu aussi comme les lanceurs au baseball qui reviennent au banc des joueurs en sautant par-dessus la ligne blanche du premier ou du troisième but. Un peu comme un ami qui, le jour où il a rencontré sa conjointe pour la première fois, portait des bas de couleur différente. Et bien depuis, il n’a jamais porté deux bas identiques.

C’est donc suite à ce constat que je me lève, prenant mon cahier d’une main et mon café de l’autre, afin de me diriger vers une table libre un peu plus loin, question de mettre fin à cette tendance qui cherche à sournoisement s’installer en moi, ne cessant de me répéter intérieurement que la meilleure superstition, c’est de ne pas en avoir.

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