Trente secondes

Je suis assis dans un Café du centre-ville par un soir de semaine, m'étant donné comme mandat d'écrire un texte de chanson sur une mélodie récemment composée et ce, avant la fermeture. Comme à l'habitude, un très allongé sur le coin de la table, pour ensuite coucher sur papier plusieurs idées, plusieurs thèmes, explorer différentes pistes et, au bout d'environ une heure, m'apercevoir que je n'ai encore rien de bien convaincant à me mettre sous la dent.


Pourtant, côté musical, tout est là. La mélodie est simple, efficace, entraînante. La structure de la chanson est tout ce qu'il y a de plus standard, tant au niveau des couplets, du refrain, du piétage mais rien à faire, ça ne décolle pas. J'ai beau avoir finalement réussi à élaborer un texte intéressant qui colle à la mélodie, mais le résultat ne n'allume pas. Le mariage entre les mots et la musique, ingrédients essentiels permettant de véhiculer, de transmettre, de faire sentir une émotion à l'écoute de la chanson n'est pas concluant. La magie n'opère tout simplement pas.

Voulant m'aérer l'esprit, me changer les idées ou mieux, finir par en trouver une bonne, je me lève et me dirige vers l'étagère près de l'entrée sur laquelle se trouvent les différents journaux. Je mets la main sur la section culturelle du journal local. Une fois revenu m’assoir à ma place, je parcours en diagonale les premières pages jusqu'à ce que je tombe sur un article traitant du processus créatif chez les artistes. J'accroche particulièrement à la lecture des quelques lignes traitant de l'écriture de chansons, où l'on y cite au passage le célèbre parolier Luc Plamondon, ainsi que Francis Cabrel, célèbre auteur-compositeur-interprète français. Je suis d’ailleurs étonné d'y lire que celui-ci compose ses textes en anglais pour ensuite les traduire en français avant de les adapter à ses mélodies. Force est d’admettre que, avec ses millions d'albums vendus, sa façon de travailler est efficace.

Au fil de ma lecture, je m'aperçois qu'il n'y a pas de raccourci, qu'il n'y a pas de recette miracle. Chacun doit développer sa technique, sa façon de faire et surtout, travailler, re-travailler, noircir du papier, user des touches de clavier sans compter. Avoir l'humilité d'accepter de jeter et recommencer, comme l’a indiqué Michel Rivard, autre grand créateur de chansons s'il en est un. D’ailleurs pour lui, le processus créatif c’est souvent dix pourcent d’inspiration et quatre-vingt-dix pourcent de transpiration. Même constat pour Luc Plamondon, alors que l’entretien se termine avec cette citation: « une chanson, c'est trente secondes d'inspiration pour trente heures de travail ».

Sauf que là, le Café ferme ses portes dans une heure...