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dimanche 8 avril 2018

Rénovations majeures

                                 

Je suis assis dans un café du centre-ville, dans lequel j’y ai perdu mes repères. Le tout a débuté il y a quelques semaines, lorsque les fenêtres s’étaient retrouvées barricadées de papier brun, m’indiquant que quelque chose de majeur s’y tramait. J’avais visé juste en lisant sur la porte d’entrée une affiche sur laquelle était écrit « fermé pour rénovations ». J’allais devoir m’y faire. 

Au fil des semaines, j’ai fréquenté d’autres cafés, non sans effectuer un petit détour à l’occasion, question d’évaluer l’avancement des travaux, bien que les fenêtres ne laissaient toujours rien transparaître, mettant ainsi ma patience à rude épreuve. Puis un soir, ce fut la fin des exils. Les rénovations semblaient terminées, comme en témoignait une invitation placardée sur la porte d’entrée dans le cadre de sa réouverture officielle, prévue pour le lendemain. J’ai aussitôt dégagé une bonne heure à mon agenda, voulant assurément faire partie des privilégiés qui découvriraient en primeur les changements apportés. 

Déjà, de l’extérieur sur le trottoir, le premier coup d’œil faisait part d’importantes transformations au niveau de l’éclairage. Une lumière beaucoup plus vive, plus nerveuse, plus froide. M’approchant de l’entrée, j’avais constaté que le portique avait été modifié, les portes donnant maintenant sur le côté. Une fois à l’intérieur, j’étais perdu, désorienté. Je sais, tout ça peut paraître un peu tiré par les cheveux, car on ne parle ici que d’un petit café du centre-ville, mais les changements apportés m’apparaissaient majeurs. Terminé les lumières tamisées, terminé les couleurs ocres et terres, terminé les tables et chaises en bois, terminé la mezzanine avec banquettes. L’administration semblait privilégier les contrastes, probablement plus au goût du jour. Elle avait opté pour un éclairage au DEL, des murs gris et blanc agencés à un mobilier noir, un carrelage de céramique beige ainsi qu’un nouvel emplacement du comptoir de service. Seul le coin des toilettes fut épargné. 

Évidemment, les clients sur place y allaient de commentaires unanimes, dithyrambiques, éblouis par les changements apportés. Les cellulaires pointaient dans toutes les directions, et les photos prises ont presque instantanément inondé les médias sociaux, au grand plaisir de l’administration. En ce qui me concerne, j’ai dû avouer, une fois l’effet de surprise dissipé, que la refonte des lieux était vraiment réussie, me joignant ainsi au concert d’éloges. Cependant, je ne la ressentais pas. Je demeurais avec l’impression que quelque chose clochait, n’arrivant pas à mettre le doigt dessus. J’y avais littéralement perdu mes repères. 

Finalement, j’ai trouvé. L’endroit n’avait plus l’identité ni l’âme qui le caractérisait. Le rafraîchir, le moderniser, le disposer au goût du jour, je veux bien. Mais pas au détriment de l’ambiance, de l’atmosphère, du mood qu’il proposait avant les rénos. Toutefois, j’estimais le lieu tout à fait convenable, très bien même, mais aucunement inspirant. 

Un couple de quinquagénaires venu s’assoir à la table voisine m’a brusquement sorti de ma réflexion, alors que la dame demandait à celui que je considérais être son conjoint s’il appréciait les changements apportés. Celui-ci, sans quitter des yeux son journal, lui a répondu qu’il n’en avait rien à foutre, dans la mesure où il pouvait continuer à y boire son café en paix. 

Vu de même...

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