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dimanche 11 février 2018

Vrai ou Faux



Assis dans un café du centre-ville, mon attention fût captée par une discussion entre, à première vue, deux étudiants universitaires au sujet d’un enseignant qu’ils qualifiaient «d’assez particulier». L’étudiant, assis tout juste à mes côtés à la table voisine, racontait à son collègue assis en face de lui, la façon peu orthodoxe de son enseignant à transmettre la matière académique, et surtout la façon dont furent structurés deux importants examens, soit celui de mi et fin de session.

À première vue, l’examen de mi-session avait donné l’impression d’être somme toute relativement facile. Cinquante courtes questions, d’une valeur de deux points chacune, à répondre tout simplement par vrai ou faux. Aucune question à développement donc, pas de place à l’interprétation, à la justification de son point de vue. Aucun point pour l’effort à développer un argumentaire. Cinquante crochets à apposer dans la bonne case, vrai ou faux, à compléter dans un délai maximum de deux heures. L’enseignant a dû rire dans sa barbe en constatant que le dernier étudiant à rapporter sa copie à son bureau l’avait fait au bout de seulement une heure quinze. 

Lors du cours suivant, le sujet de discussion parmi les étudiants en classe était les réponses aux questions de l’examen. Plusieurs se demandaient si leurs collègues avaient remarqué, tout comme eux, que la majorité des questions devaient être répondues dans l’affirmative, ce qui leur semblaient plutôt bizarre. Certains ont redouté un piège tendu par l’enseignant donc, ont parsemés quelques réponses négatives aux questions qui leurs semblaient les plus ambiguës, convaincus que celui n’aurait jamais osé pousser l’audace jusqu’à leur soumettre cinquante questions à répondre par l’affirmative, cinquante questions à cocher la case « vrai ». L’enseignant était ensuite entré en classe avec une quinzaine de minutes de retard, question probablement de laisser macérer ses étudiants dans l’incertitude, dans le doute selon quelques mauvaises langues. 

Effectivement, plusieurs étudiants, dont celui qui relatait l’événement, avaient remarqués que l’enseignant les avait regardés avec un léger sourire malicieux, tel un gamin fier de son mauvais coup. Celui-ci leur a ensuite remis leur copie d’examen pour fin de correction, en mentionnant qu’il ne serait pas long à corriger, car toutes les questions de l’examen devaient être répondues par un « vrai ». Deux points par bonne réponse. Les deux tiers de la classe n’ont eu que plus ou moins la note de passage, n’ayant pas cru que l’enseignant aurait osé, alors que l’autre tiers, plus audacieux, s’en était tiré avec une note respectable. 

N’étant pas au bout de ses peines, l’étudiant assis à mes côtés a poursuivi le récit de sa mésaventure dans le cours de cet enseignant plutôt particulier. Ses collègues n’avaient, tout comme lui, pas le choix d’approfondir, d’emmagasiner la matière enseignée car qui sait ce qu’il leur réservait pour l’examen final de fin de session. Les paris étaient ouverts. Examen avec des questions à développement, examen avec des choix de réponses, avec des « vrai » ou « faux », un hybride entre les deux. Ils n’avaient donc pas le choix d’étudier, d’être prêts. 

Arrive la fin de session, et l’examen final tant appréhendé. La nervosité, la tension, le stress étaient à leur comble dans la salle de cours tout juste avant que l’enseignant ne remette les copies de l’examen. Allait-il tenter de les piéger encore une fois, et si oui, de quelle manière? Personne ne savait à quoi s’attendre. Merde. Encore des vrai ou faux. Encore cinquante question valant deux points chacune. C’était quoi le piège cette fois-ci? 

Contrairement à l’examen de mi-session, la totalité des étudiants ont utilisé les deux heures mises à leur disposition par l’enseignant pour compléter l’examen car cette fois, les réponses semblaient osciller entre le vrai et le faux, semant encore plus la confusion parmi les répondants. 

Mon voisin de table a, par la suite, fait part à son interlocuteur d’un fait plutôt inusité qui, à bien y penser, collait à la personnalité de l’enseignant, à sa façon peu orthodoxe d’évaluer ses ouailles. Alors que les étudiants déposaient un à un leur copie sur son bureau, celui-ci leur demandait ensuite de la prendre en photo avec leur téléphone, question de savoir quelle était leur note. Il leur remettait ensuite un bout de papier sur lequel était indiqué que les réponses aux questions paires étaient vraies, et celles aux questions impaires étaient fausses. 

Celui qui était assis face au narrateur dans le café où nous étions, lui a demandé s’il s’était à nouveau fait piégé. Ce dernier a alors répondu que la quasi-totalité du groupe avait eu une bonne note à l’examen et ce, malgré le piège tendu par l’enseignant. Ceux-ci avaient pris le temps de bien assimiler la matière, de bien se préparer afin de faire face à toute éventualité, ayant toujours en mémoire la déconfiture de l’examen de mi-session, ne manquant pas au passage d’ajouter que c’était chien de la part de l’enseignant d’agir de la sorte. D’ailleurs, plusieurs étudiants envisageaient de porter plainte auprès de la direction de l’université. Son interlocuteur lui a alors indiqué qu’ils n’avaient pas de cause entre les mains car l’enseignant était dans son droit de leur soumettre le type d’examen qu’il désirait, tant que celui-ci ne couvrait que la matière vue en classe. 

C'est à cet instant que je me suis demandé: est-ce que je leur dis, oui ou non? Est-ce que je leur dis que l’enseignant en question est l’un de mes potes? Est-ce que je leur dis que c’est moi qui, en blague lors d’un souper bien arrosé, ai suggéré de préparer ce type d’examen à ses élèves? 

Est-ce que je leur dis?

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