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dimanche 28 mai 2017

Mal de tête


Fait plutôt rare, à noter à l’agenda selon ma blonde. Je ne suis pas certain d'avoir envie d'aller passer du temps à écrier dans un Café du centre-ville ce soir. Mauvaise nuit de sommeil dans le corps, journée éreintante au bureau et mal de tête carabiné bref, les éléments sont réunis afin que je passe une soirée relaxe, tranquille, dans le confort de mon foyer.

Finalement, une fois le souper terminé et la vaisselle lavée, je décide tout de même de m'y pointer, ayant toujours en mémoire cette fameuse soirée où j'étais sensiblement dans le même état, dans le même mood, s'étant soldée par mon meilleur texte de chanson écrit jusqu'à présent. Je me dis qu’au pire, j'aurai bu mon café tellement rapidement qu'il n'aura pas eu le temps de refroidir. Et au mieux, j'aurai écrit quelque chose de potable.

Une fois sur place, je persiste et signe en commandant un « classique » en ce qui me concerne, soit un très allongé avec crème et un soupçon de cannelle. Je profite du temps que demande l'infusion de mon café pour jaser de la pluie et du beau temps avec le barista de faction ce soir, un certain Olivier. Chic type, très avenant, que les habitués de l'endroit surnomment affectueusement « gros nounours », allusion à son physique de footballeur, dont le front légèrement dégarni rehausse quelques bonnes rides que l'on peut facilement associer au sourire quasi permanent qu'affiche son visage, j'ose présumer.

Une fois servi, je me dirige à une table dans un coin tranquille, y dépose mon café pour ensuite sortir de son étui mon iPad, ma « bébelle » comme dirait ma blonde. Bébelle peut-être, mais elle doit se rendre à l'évidence, abdiquer à l'effet que je m'en sers vraiment pour la peine, que je n'ai jamais autant écrit, surtout depuis que je peux y brancher un clavier. Une fois ma bébelle allumée, je clique sur l'icône ouvrant le logiciel d'écriture pour ensuite entamer une page vierge que j'intitule de façon temporaire « mal de tête », page sur laquelle je m'apprête à décrire les différents événements qui ont ponctué ma journée.

Rien de bien convaincant jusqu'ici mais, comme on dit dans le milieu: « faut brasser la terre si on veut y voir pousser une rose », ou quelque chose du genre. Mieux que ça, alors qu'un titre de livre de Pierre Falardeau me vient à l'esprit, soit: les bœufs sont lents, mais la terre est patiente. Pas mal mieux comme image, que je me dis.

Mon oreille est ensuite attirée par les murmures d'un homme et d'une femme, que j'imagine facilement être un couple, qui viennent tout juste de prendre place à la table d'à côté. Curieux, je porte une attention particulière à leur conversation qui, de par la teneur des propos, m'indique qu'ils sont sur le point de mettre fin à leur relation amoureuse, sur le point de se séparer ici-même devant moi, devant nous.

Au fil des échanges, la conversation entre les deux antagonistes gagne en intensité, les propos deviennent de plus en plus virulents et les attaques personnelles de plus en plus mesquines, de plus en plus gratuites, frôlant parfois l'insulte et le manque de respect. Les murmures du début ont maintenant fait place à une engueulade bien sentie, ne tenant visiblement pas compte de la clientèle autour, semblant même se foutre royalement de se donner en spectacle dans un endroit public, tellement que j'en suis mal-à-l'aise, tout comme la plupart des autres clients que je croise du regard. Difficile d'imaginer ces deux personnes formant un couple il y a de ça quelques minutes à peine.

Je porte un coup d'œil au comptoir derrière lequel se trouve Olivier, le gros nounours de barista. Celui-ci ne semble pas, ou ne veut tout simplement pas porter attention à la scène de ménage à laquelle nous sommes témoins et ce, bien malgré nous. J'envisage alors sérieusement de changer de table, de m'éloigner de la scène, à la limite de prendre congé des lieux. M'apprêtant à ranger ma bébelle dans son étui, un individu s'approche des deux belligérants. Enfin quelqu'un qui ose s'interposer, qui ose tenter de calmer le jeu, qui ose leur demander de mettre fin à leur relation amoureuse ailleurs que devant nous. On s'entend qu'il ne sera pas en nomination dans la catégorie « Cupidon des temps modernes » dans un gala de St-Valentin mais, dans les circonstances, faut ce qu'il faut.

Au lieu de s'adresser au couple en crise, l'individu requiert notre attention. Tout d'abord, il tient à les féliciter avec une bonne main d'applaudissement, pour ensuite mentionner que ces deux nouvelles recrues ont réussi haut la main le défi d'initiation qui leur était imposé par leurs coéquipiers de l'équipe d'improvisation du collège. Il nous invite ensuite à venir les voir en plein action demain soir lors du premier match d'improvisation de la saison au Centre culturel, à deux pas d'ici. Le couple d'improvisateurs en herbe se lève en nous saluant, puis en s'inclinant bien bas, un peu comme une révérence à laquelle on assiste à la fin d'une pièce de théâtre.

Bon, il ne manquait plus que ça. Un trio de p'tits comiques s'étant servi de nous comme audience, comme public afin de se donner en spectacle, profitant ainsi de l'effet de surprise qu'ils ont su créer. A-t-on droit à une compensation quelconque, comme par exemple des billets gratuits pour le match de demain soir? Ce serait la moindre des choses il me semble. C'est sur cette pensée que me rends compte que ce sera peut-être pour une prochaine fois car le trio s'est déjà poussé en douce du Café.

J'en conclus que tout ça ne prendra vraisemblablement pas la forme d'une chanson, encore moins d'une histoire, mais l'anecdote aura eue au moins l'effet de me distraire, de faire disparaître mon mal de tête.

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